L'envol - 5 rue des Fauvettes - 30700 Uzès

22 avril 2011

Dimanche 10 avril

Une promenade accompagnée de lectures tirées de la correspondance entretenue pendant 3 ans avec Clément Porre, et que lira la comédienne Marie Hélène LESCHIERA.
Correspondance aujourd’hui éditée sous le titre : Clément Porre, lettres à Michèle Reverbel.







Accueil à la médiathèque de Montaren St Médiers, il est 11h du matin !




Les membres de l'association
Présidente d’honneur : Michèle DALMASSO REVERBEL
Présidente : Catherine ROUXEL
Trésorier : Jean Michel VALENTINI
Secrétaire : Lydie AZAN
Secrétaire adjointe : Mireille VALLAT

Présentation de l'association par sa présidente CATHERINE ROUXEL.


MICHELE DALMASSO REVERBEL évoquant sa rencontre avec CLEMENT PORRE


 Premières lettres lues à la médiathèque de Montaren par Marie Hélène Leschiera, comédienne.
 « Madame, Je me réfugie à l’ombre de vos mots pour placer ce tourment et cette joie d’écrire de voir le temps qui défile et sachant que j'accumule auprès de vous les écrits, je me déplace de textes en textes toujours à la recherche de ce qui peut être nouveau…
Je suis plein d'un grand bruit d' écrire et je le fais, mais d'une manière entrecoupée, entrechoquée, et auprès de moi dans ce recoin qui me sert à poser mes lettres non envoyées, s'accumule toute une littérature sans but et sans moyen, fuyante et concise dans sa totalité. Je vais toujours à l'atelier d'écriture de l'hôpital, mais cette période insensée de jours fériés me recluse et me laisse pantelant dans ce désir et cette joie que j'aurai de reprendre la plume… »




 Intervention de Mireille Vallat
 et de Geneviéve Cartillier Berthezene.



 À midi, départ pour le pique-nique au Moulin de la Carcarie.




PIQUE NIQUE SUR L' HERBE À L' OMBRE DES PINS DE LA FORÊT DE LA CARCARIE







 Deuxième lecture de Marie-Hélène Leschiera près du moulin de la Carcarie :
 « Madame, Dans ces travers où nous met l'hôpital psychiatrique, on éprouve plus de mal que de bien et l'on se sent blessé par des tortures qui tournent et viennent infléchir le cours des nos décisions.

Il me faudra sans doute beaucoup de courage pour reprendre le cours de ma vie, celui où je l'ai mise, déposée, avant que d'être hospitalisé. Vous dépeindre le mal que l'on ressent, la blessure mortelle de l'iniquité, du fait du prince qui nous renvoie à d'autres critiques, à une vie sans cesse plus tourmentée et plus sujette à la vindicité des gens…
 « qui ne vous sont pas forcément sympathiques et dont le niveau d'approche reste généralement bas… Qu'il vous suffise de savoir, après l'admiration que vous m'avez manifestée et qui me semble bien à propos, qu'il n'existe pas de système idéal, pas plus à l'hôpital que dehors où l'on sente que la vie nous berce enfin…
 « loin très loin de nous poser l'éternelle question du "je me demande ce que je fais là…
 Madame, sans doute attendez-vous que je me répande comme un vrai poète.
 Je pense beaucoup à mes obligations mais le soleil est trop doux et c’est vrai le temps trop court. Il faut que je respire. Je suis heureux comme un prince. Je ne fais rien… »








VERS LES PETITS JARDINS DE MONTAREN ET SAINT MEDIERS



Ces petits jardins, propriétés de particuliers  ou de la commune, restaurés par l’Association  "Citrouille et Compagnie" sont devenus des lieux de rencontres conviviales.

Nous y sommes magnifiquement reçus par Martine Balman, présidente de l’association.




 Aux petits jardins : troisième lecture :

« Chère Michèle,
2 h du matin, comme toutes les nuits je me réveille en sursaut. J' attends le matin, mais au moins, ce temps à moi que j'utilise le plus calmement possible, me permet de m'abstraire de l'influence des médicaments. J'ai reçu votre dernière carte hier qui me parlait de votre excursion dans le Pas de Calais et de quelques détails en plus.
Votre courrier est toujours pour moi une sentence et j'ai toujours peur quand je le reçois de vos appréciations ainsi que de votre gentillesse aussi je ne l'ouvre pas tout de suite.
Si vous vous rappelez la photo de votre carte, sachez qu'à mon goût celle-ci est merveilleusement belle. C'est sans doute la carte la plus belle que vous m'ayez envoyée.
Je ne dis pas cela pour parler ou pour vous dire quelque chose mais parce que réellement je m'y retrouve. 
  »

 « Madame, que vous dire de plus après cette période très secouée.  Je reprends mes habitudes bientôt et la solitude… »

Lettre du Dimanche 11 novembre 1990. (extraits)

« Madame, que vous dire de plus après cette période très secouée...  Je vis sans même plus compter la vie, les jours passent, lamentables, perdus.
Tout s'écroule. Le temps de la mort est court. Il fait froid. Il fait un froid de mort.
La question grave du mal-de-soi répond dans le brouillard. Tout s'écroule.
L'air devient pesant ; le vent souffle. Une fin de tout s' approche. Nous croulons
dans le désarroi. Je ne compte plus ma vie ; celle-ci s'évade, se défile
comme  une bobine libre. Perdu pour perdu autant ressusciter ailleurs ; des tas de religions m'appellent. Mais non, Rien n'existe.

Nous sommes image et lourds de notre nourriture. Il fait froid, un froid omniprésent, despotique. 
La ville est pleine de cheminées. Noël approche et j'ai peur. Où aller, dans ma solitude. Que Dieu fasse crouler le temps atmosphérique pour nous
donner  à respirer. Plus une feuille sur les arbres, des déchets sans cesse, de partout, abondants, permanents. Mes veines éclatent. 

Serai-je enfin libéré. La mort comme tout le monde à petit feu, mais seul. Dans l'enfermement.


La vieillesse. Que faire devant la peur, la terreur.
Et puis tout redevient plus calme. La nuit se termine. La nuit des vivants.
Ceux qui ronflent. Oublié le parjure. Oubliée l'angoisse ; faire en sorte.Tout quitter.
J'aimerais marcher nu dans les rues. Que mon corps ne soit pas perdu. »

J'aimerais monter dans les bus, j'aimerais faire  la cuisine, voyager en voiture, aller dans un hôtel,
retrouver ma jeunesse. J'aimerais devenir muet et sourd  et aveugle, et borgne et manchot.
Ne plus voir le monde.


La nostalgie de cette saison perdure, m'assaille, me rend fou. Fou, est ce un mot çà. Fou ou mort. Tant de choses me troublent. Mon lit est défait pour un nouveau cauchemar. Mon lit . Ma chaise. Surtout une vitamine, les cigarettes.
Bientôt  je connaîtrai l'opium quand je serai enfin libre. Rejoindre Baudelaire, et Rimbaud et Verlaine.  Artaud s'est rendu malade. Je suis malade : vous arrive- t-'il d'y penser. Je pense à votre circulation d'âme ».


 

CLEMENT PORRE
Né à Lyon le 27 avril 1955, Clément Porre rencontre Michèle Revebel, écrivain public en 1988, lors de la mise en place de l'atelier "Tâche d'Encre" qu'elle anime à l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu.
Les premières traces de la participation de Clément Porre à cet atelier seront des dessins à la plume magnifiques. Encouragé par l'attention chaleureuse de Michèle, il commence à écrire des poèmes, des textes, et il ose entreprendre avec elle une correspondance réguliére, qui se poursuivra de façon intense jusqu'au 16 mars 1991, jour de sa disparition brutale.
Bien avant sa mort nous étions convenus, Clément, Michèle et les éditions Comp'Act, que ces lettres, toutes écritures d'un seul jet, sans rature ni correction, seraient publiées. Leur beauté, leur force et leur nouveauté nous bouleversent.
Clément Porre a séjourné plus de 11 ans en institution psychiatrique.










Pour l' Association "Amis de la Médiathèque de Montaren et Saint Médiers.
"Promenades et lectures à travers Montaren et Saint Médiers pour l 'association "les veilleurs d'écritures"
Photos réalisées par Sandrine Messian et Michel Colinet à travers le village
Avril 2011